L'autre jour, un peu par hasard, j'ai ouvert le programme télé de la semaine à venir. Si je dis "un peu par hasard", c'est que, en temps normal, je ne regarde presque jamais la télé. 

Là, je voulais juste savoir s'il n'y avait pas un petit concert de jazz programmé dans les prochains jours. Il sont si rares sur le petit écran qu'on les repère assez vite dans les pages "musique" de l'hebdomadaire.

Et là, bonne surprise : deux documentaires pour le prix d'un, un lundi soir, en "prime time", sur Mezzo, la chaîne la moins regardée du câble et du satellite réunis, et l'une des rares qui m'intéresse encore. . 

Bref, soirée jazz sur Mezzo, c'est ce que j'appelle une bonne nouvelle. D'abord un portrait de Chet Baker, l'icône du jazz blanc de la côte ouest, trompettiste et crooner extraordinaire, disparu en 1988. Je ne peux raisonnablement pas passer à côté de ça ! Je sens déjà que ma femme va faire la gueule quand je vais lui annoncer que, pour une fois, non seulement je vais me coller devant la télé mais que, de surcroît, je ne vais pas lui laisser le choix du programme. Il va falloir négocier serré. 

Je lis la suite du programme et découvre avec bonheur que le portrait de Chet est suivi d'un documentaire intitulé "Sur la route avec Bob Berg". Décidément, c'est ma soirée ! Je suis au bord de la jouissance. Bob Berg, c'est un de mes saxophonistes préféré. Je les compte sur les doigts de la main les types comme lui, capables de me faire dresser les poils dès qu'ils poussent trois notes et demie d'affilés dans leur sax.  Le voir à la télé, c'est un cadeau inespéré. 

Las, les trois lignes de commentaires qui suivent le titre, me font rapidement déchanter : "Portrait du saxophoniste américain disparu le 5 décembre 2002".  Quoi ???  Bob Berg est mort depuis plus de trois mois et je n'en savais rien ?!? Mais c'est pas possible, c'est à peine croyable, ils ont dû se tromper ! 

Je me précipite sur mon PC, le cœur battant, à la recherche d'informations complémentaires sur Internet. Deux clics de souris plus tard, la nouvelle tombe, comme une bombe : 

"Le saxophoniste ténor et soprano américain Bob Berg est décédé à l'âge de 51 ans, le 6 décembre 2002, dans un accident de voiture à Long Island, où il résidait, aux Etats-Unis. Saxophoniste hors pair, il a été, entre autres, le collaborateur d'Horace Silver, Cedar Walton, Miles Davis, Chick Corea..."

Putain, j'en crois pas mes yeux ! Bob Berg est mort ! Dans l'indifférence totale. Pas une brève dans les journaux, pas un reportage à la télé, pas un mot à la radio. Sans doute les émissions spécialisées, et encore...

Ce type, il a bercé mes 15 dernières années. Son swing dévastateur, sa puissance et sa dextérité phénoménale, le grain de son ténor, la douceur de son soprano, je ne suis pas près de les oublier. Quand il se lançait dans un solo endiablé, sur un bop ou un thème un peu fusion, je me retrouvais parfois en apnée. Plus moyen de respirer tellement il y mettait de l'énergie et vous faisait ressentir son jeu. Aujourd'hui c'est lui qui ne respire plus. Ça fait chier. Vraiment chier.

51 ans, c'était tôt pour partir, surtout pour un jazzman... Quand je pense à tout ceux qui font de la merde et qui sont encore vivants, c'est à déprimer !

Écoutez quelques bribes de la musique de Bob Berg

Quand Bob la jouait cool : "WORDS" - Extrait MP3 - 300 ko

Quand Bob s'emballait : "SNAKES" - Extrait MP3 - 234 ko

Quand Bob faisait brailler son ténor : "KALIMBA" - Extrait MP3 - 166 ko

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