Fred Paronuzzi : 10 ans 3/4

Tendre, drôle, original et émouvant, voilà des adjectifs qui collent bien à "10 ans 3/4", le premier roman très réussi de Fred Paronuzzi. Le narrateur est un enfant. Il nous raconte, avec ses mots et ses expressions (d'une grande drôlerie), sa vie de jeune immigré italien installé à Ugine, petit village savoyard, dans les années 70. Ses rêves d'exploits sportifs à la Frison-Roche ou à la Jean-Claude Killy ne l'empêchent pas de subir de plein front toute la palette des émotions d'un enfant de son âge. Ainsi, en quelques mois, il découvre les joies de l'amitié, les turpitudes des premiers amours, la dureté de la maladie. Une année riche en émotions pour le narrateur comme pour le lecteur. Paronuzzi réussit le tour de force de nous donner l'impression de lire réellement les mots d'un gosse de 10 ans (3/4). Pourtant, à y regarder de plus près, son texte est beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît et beaucoup moins naïf qu'un simple récit d'enfant. Un vrai travail d'écrivain.

EXTRAIT :

Pour appartenir à la grande famille de la Nation, il faut parfois se risquer à de sacrées acrobaties, comme par exemple glisser très vite pendu à un fil, puis se lâcher au-dessus du matelas avec des roulés-boulés - en serrant bien fort sa mitraillette contre son cœur, tel un premier amour.
Monsieur Bacci, avant de s'expatrier, il s'occupait de traire des chèvres dans sa Sicile, si bien qu'il ne saisissait pas encore toutes les subtilités de la langue de Plastic Bertrand. Au moment où le sergent lui a vociféré que "saute, Bacci, mais nom de Dieu de bordel de chiottes, tu vas sauter, crétin d'Italien !", il est resté accroché à sa poulie, en proie à une grosse chocotte bleue. Puis, juste avant de se ramasser en pleine poire le mur de l'entraînement, il s'est tout de même écrasé à côté du matelas - avec son armement qui lui est remontée dans les attributs de la masculinité et sa tête qui raclait le goudron.