Jean-Paul DUBOIS


Tous les matins je me lève

(Robert Laffont - 1988)

"Tous les matins je me lève" est un des premiers romans de Jean-Paul Dubois. Le troisième, si je ne m'abuse, mais je n'ai pas envie de perdre un temps fou en recherches pour vous donner une information qui ne satisfera qu'une poignée d'amateurs de statistiques dans le meilleur des cas ou quelques  joueurs de loto dans le pire. Non, ce qui compte, c'est bien ce qu'il y a dans ce bouquin. Le problème, c'est que je l'ai lu il y a près de deux ans et que je ne vais pas non plus le relire là, aujourd'hui, juste pour vous en parler sur mon site (que voulez-vous, quand on est fainéant...). Mon dilemme, c'est qu'il me paraissait malgré tout assez inconcevable de présenter une page "coups de coeur lecture" sans y faire figurer ce roman. Car de tous ceux de Dubois, "Tous les matins je me lève" est sans doute mon préféré (et pourtant Dieu sait que j'aime aussi les autres). L'histoire est à la fois simple, burlesque et tendre. 
Le narrateur se nomme Paul Ackerman. C'est  un écrivain (une constante chez Dubois, un peu comme chez Djian). De ce que je m'en rappelle, il est marié, père de trois enfants qu'il ne côtoie que par hasard (lorsqu'il se lève, sur le coup de midi, ça fait un bail qu'ils ont quitté la maison pour rejoindre l'école...), est passionné de belles anglaises (on parle ici de voitures...), buveur de lait invétéré, et rêveur devant l'éternel, se voyant presque chaque nuit en capitaine de l'équipe de France de rugby disputant le match de sa vie face au quinze de la Rose (l'Angleterre pour ceux qui n'y entrave que dalle au ballon ovale). 
Tandis qu'il travaille sur son nouveau roman, il nous fait partager son quotidien : ses visites en costume chez son éditeur, ses longueurs chaque jour dans la piscine construite de ses mains, ses promenades au volant de son cabriolet, ses relations tortueuses avec ses enfants, ses virées improvisées en camping-car avec son meilleur ami. On se délecte véritablement à la lecture de cette histoire. On sourit souvent, on est ému parfois. Chaque page tournée l'est presque à regret tant elle nous a fait passer un bon moment. Si vous ne connaissez pas Dubois, commencez par celui-là, vous ne serez pas déçus. 
EXTRAIT :

C'est alors que j'ai entendu le bruit du moteur dans le garage. C'était la décapotable. Je l'ai reconnue tout de suite. Ses six cylindres faisaient vibrer le sol. J'ai bondi comme si je voulais rattraper ma jeunesse.
Anna était au volant et rentrait la voiture. Elle a coupé le contact, enlevé ses lunettes de soleil et, avant même de descendre, a dit : "Viens m'aider à décharger les paquets dans la malle." Elle avait pris ma voiture, elle qui d'habitude détestait les cabriolets. Ça m'a coupé le sifflet et mis incroyablement de bonne humeur. Tout cela voulait dire qu'elle avait adopté la Triumph sans discuter, qu'elle la trouvait formidable et que surtout, elle ne m'en voulait pas. J'ai pris cinq sacs dans chaque main, ils étaient légers comme des plumes.  Anna a dit : "Ce matin, ma voiture n'a pas démarré, j'ai été obligée de prendre celle-là." Elle avait dit "celle-là" en tordant la bouche, comme lorsqu'on vous met sous le nez une tête de poisson. D'un coup, j'ai eu l'impression de transporter des tonnes. 
Elle est passée devant moi, légère dans sa jupe de toile. "Cette voiture est ridicule. Elle freine mal et les vitesses craquent." J'ai posé les paquets dans la cuisine. Comme des escargots, les mots se tordaient dans ma gorge. J'avais envie de pleurer, de tout abandonner et de foutre le camp à jamais. J'ai dit : "C'est une bonne affaire." Elle a répondu : "C'est une deux-places et on a trois enfants."
Je suis parti en claquant la porte. Dans la salle de bains, j'ai regardé ma tête. C'était vraiment celle d'un type dont la boîte craquait..

 

A écouter : une longue interview de Jean-Paul Dubois, au format MP3

 

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