Louis CALAFERTE


Septentrion

(Denoël - 1984)

Ce livre est un brûlot écrit d'une plume acerbe et virtuose. Lire Calaferte, c'est un peu comme se prendre une grande claque dans la gueule. Chaque mot vous assomme, chaque phrase vous transperce, chaque image vous éblouit. Chaque ligne de ce bouquin est une oeuvre d'art à part entière où la poésie est omniprésente. Septentrion est le récit autobiographique de sa jeunesse passée à errer entre le travail en usine, ses relations passionnées et particulières avec Mlle Van Hoeck, et les turpitudes de l'écriture. Marginal dans l'âme, il nous livre une vision de l'humanité peu reluisante, assez pessimiste. Le sexe tient une grande place dans cet ouvrage qui s'est vu interdit à la publication pendant près de 20 ans avant que Denoël l'édite en 1984.  

EXTRAIT :

"C'est aux cabinets que j'ai lu le plus abondamment pendant toute une époque qui s'étend à peu près sur dix ans. Je m'y rendais environ sept ou huit fois par jour avec le plus de naturel possible, prétextant un dérangement chronique et suscitant de la part de mes compagnons de travail les plaisanteries que l'on devine. C'était ma manière à moi de m'offrir gratis à la barbe des autorités quelques joyeux moments d'indépendance royale. Le verrou tiré, j'étais sûr qu'on ne viendrait pas me déloger avant la demi-heure suivante. Quelquefois même je ne me donnais pas la peine de faire le simulacre du déculottage, bien que pour une raison inconnue je me sois toujours senti plus à l'aise, dans la posture adéquate, le pantalon en boule sur les chaussures, les fesses nues, le sexe vacant entre les cuisses, le ventre libre, dégagé jusqu'au nombril...

...Idée en apparence saugrenue mais pleine d'humour, si l'on se met à l'approfondir, et qui effleure par le biais de la métaphysique débonnaire. Pères et grands-pères avec leurs moustaches cirées, leurs melons noirs, leurs supports-chaussettes et leurs faux cols à ressort avaient donc fait halte en ces lieux avant d'aller échouer dans la tombe sous les fleurs du dimanche. Étonnantes variétés de diarrhées, suites de selles compactes ou sinueuses, douloureuses, plaisantes, angoissées, sans que le cœur y soit, évacuées à la sauvette, les soucis journaliers nouant le boyau en plein travail ; ou lâchées sans précipitation, selon les règles de la nature, avec le temps de souffler ou même de griller une cigarette. Quoiqu'il en soit, enjouée ou morose, toute cette matière chaude et fumante avait dégouliné par le trou noir sur la calvitie du monde engorgé qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait et ne pouvait néanmoins se soustraire à la position incommode où il était allé se fourrer par mégarde."

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